Effet Pygmalion – Rencontrer un professeur qui change la donne ☀️

L’effet Pygmalion et comment il pourrait affecter le bonheur et la réussite scolaire de votre enfant à l’école. Laissez-moi vous compter une histoire …

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Cette histoire je vous la compte dans le cadre d’un carnaval d’articles organisé par Joanie du blog Prof Alternatif.

Mais qu’est-ce qu’un « prof alternatif » ? Elle vous l’explique dans cet article ! Joanie ambitionne de devenir un de ces professeurs dont on se souvient toute une vie. Un professeur auquel on repense en souriant. Je lui souhaite tout le succès du monde et je ne doute pas qu’elle réussira dans cette noble quête.

Elle ne le sait peut-être pas mais son engagement auprès de ses élèves et le regard bienveillant qu’elle leur porte est un des meilleurs garant de leurs bons résultats et d’un parcours scolaire épanouissant !

effet pygmalion

Mais laissez-moi vous parler de Madame Burlet…mon prof alternatif à moi

Je ne sais pas qui est arrivé en premier, elle ou la biologie.

A dire vrai, je pense que si j’avais choisi son cours – Biologie 3h – c’est sans doute que j’avais déjà une idée derrière la tête. Cependant, c’est elle, sans même le savoir, qui m’a encouragé dans cette voie.  Elle a été mon « Effet Pygmalion ». Mais qu’est-ce que l’ »Effet Pygmalion » et pourquoi est-il si important pour l’apprentissage d’un enfant, d’un adolescent ?

L’effet Pygmalion ou comment l’apprentissage est aussi « relationnel ».

effet pygmalion

Le psychologue Robert Rosenthal (Rosenthal R, 1966) a testé l’idée qu’on pouvait faire progresser un élève en éliminant chez son professeur les préjugés liés à l’origine socio-économique. L’expérience a été menée dans une école primaire d’Oak School à San Francisco. Nombreux sont les élèves de cette école qui étaient en échec scolaire.

Il a procédé comme suit :

  • Faire passer un test de QI à tous les enfants
  • Garder les résultats secrets
  • Faire croire aux enseignants qu’il s’agissait d’un nouveau test développé à Harvard et capable de détecter les élèves à haut potentiel voir les surdoués dont la progression allait être spectaculaire dans les années à venir.
  • Sélectionner un groupe d’enfant de façon aléatoire dans chaque classe et expliquer aux enseignants que ces élèves étaient des hauts-potentiels.
  • Après une année, refaire passer le test d’intelligence à tous les enfants.
  • Comparer les résultats scolaires et la progression des élèves soi-disant « normaux » avec la progression des élèves soi-disant « prometteurs ».

Voici les résultats de l’expérience:

Les 6 niveaux que comptait à l’époque l’école de Oak sont représentés ci-dessous. Le groupe désigné comme étant « prometteur » en rouge, les autres élèves en gris. On remarque aisément que dans les classes d’élèves les plus jeunes, les élèves désignés « prometteurs » ont eu une progression effectivement fulgurante … Les prophéties s’étaient réalisées !

Effet pygmalion

Rosenthal R, J. L. (1966). Teachers’ expectancies: determinants of pupils’ IQ gains. Psychol Rep., 19(1):115-8.

 

Les professeurs ont également avancé que ces enfants « prometteurs » étaient plus agréables et plus efficaces en classe. Alors qu’en réalité, ces enfants avaient été choisis par l’expérience de façon tout à fait aléatoire !

Rosenthal explique ces résultats en avançant une théorie, celle de la prophétie auto-réalisatrice qu’il baptise Effet Pygmalion en référence à une pièce de G.B. Shaw dans laquelle un professeur apprend à une fille du peuple à se comporter comme une aristocrate.

Si un enseignant pense qu’un élève est doué, son comportement envers lui, de façon tout à fait inconsciente, sera tout à fait différent que s’il pense que l’enfant n’est pas doué.

En conséquence l’élève, perçu de façon positive par le professeur, se sentira plus en confiance, plus motivé à travailler et progressera évidemment mieux.

Les pensées négatives amenant de mauvais résultats, les pensées positives amenant de bons résultats …

Un peu de psychologie sociale …

écoliers jadis

Cela vous parle t’il déjà ? Vous ou votre enfant en avez-vous profité ou souffert ?

 

Des attitudes inconscientes

Ces attitudes inconscientes peuvent se traduire de différentes manières qui ont été décryptées dans des études expérimentales ultérieures (Chaikin, 1974) (Martinek TJ, 1979):

  • Le langage du corps : l’enseignant va adopter une posture ou un ton de voix qui suffisent à renvoyer à l’enfant une certaine image de lui-même. L’enseignant va notamment plus souvent regarder, sourire, hocher la tête, s’abaisser en direction d’un enfant qu’il estime mieux.
  • Les sollicitations : l’enseignant va plus souvent interroger, appeler au tableau, répondre aux questions de cet élève en particulier.
  • Les enseignants sont également plus chaleureux et rassurants avec les élèves pour lesquels ils ont des attentes plus élevées.

Les attentes des professeurs sont de façon très précoce décryptées par les élèves.

Personnellement, les attitudes inconscientes de mon professeur de biologie étaient positives. Elle mettait tous les élèves sur un même pied d’égalité. De plus,  elle sollicitait autant les filles que les garçons pendant son cours … ce qui pourrait sembler aller de soi mais qui ne l’est pourtant pas …

Le déterminisme lié au genre

déterminisme

Rosenthal voulait démontrer en quoi les idées préconçues liées au milieu socio-économique notamment étaient en elles-mêmes un frein à l’apprentissage des enfants défavorisés.

D’autres types d’idées préconçues peuvent influer négativement sur l’apprentissage. Un autre exemple, le déterminisme lié au genre qui a la peau dure :

  • « Une fille réussit moins facilement en sciences ! »
  • « Les garçons sont meilleurs en mathématiques … »
  • « Les filles font de bonnes littéraires et les garçons de bons ingénieurs … »

Vous avez déjà très certainement entendu ces affirmations.

Cela vous révolte (ou pas) mais vous vous dites qu’à l’heure actuelle, peu de professeurs oseraient encore tenir de tels propos devant leurs élèves. Vous avez peut-être raison (ou pas) mais si les mots ont une extrême importance, les attitudes sont tout aussi importantes comme nous l’avons vu précédemment.

Ces attitudes, conscientes ou inconscientes, sont révélatrices de ce déterminisme de genre qui a encore de beaux jours devant lui dans les écoles, auprès des enseignants mais aussi auprès des parents.

Les attitudes en question

professeur

  • Saviez-vous par exemple que les garçons sont systématiquement plus souvent interrogés en classe que les filles quand il s’agit de matières scientifiques ? Elles sont moins souvent appelées au tableau.
  • On fait plus souvent appel aux filles quand il s’agit de restituer la matière mais plus souvent appel aux garçons quand il s’agit de proposer des solutions innovantes.
  • Filles et garçons ne sont pas évalués de la même façon, que le professeur soit un homme ou une femme.

Et la liste des attitudes discriminantes envers les filles est longue.

Encore une fois, le professeur n’en a parfois même pas conscience lui-même tant ce déterminisme l’a contaminé de façon insidieuse.

Je me souviens avoir obtenu une médaille en mathématique devant le premier de classe, un garçon … Je n’en revenais pas. Cela m’aurait paru naturel si nous n’avions été que des filles mais devant un garçon. C’était irréel … Lui aussi a eu du mal à « encaisser » d’être devancé par une fille.

Les garçons ont-ils réellement la bosse des maths et les filles la bosse du français ? Les neurosciences à la rescousse.

fausses idées

Les découvertes en neurosciences ont changé notre regard sur la façon dont un enfant apprend et vont influencer de plus en plus nos méthodes pédagogiques. Grâce à ces découvertes, nous pouvons à présent balayer certaines idées reçues qui sont totalement fausses. Notamment celle qui voudrait que le cerveau d’une fille soit plus enclin à l’apprentissage des matières littéraires alors que le cerveau d’un garçon aurait plus de facilité à apprendre les mathématiques et les matières scientifiques. Le raisonnement logique n’est pas une affaire de genre.

Une étude parue dans Science en 2010 (Miyake A1, 2010) démontre que si les filles réussissent moins facilement dans les disciplines scientifiques, c’est parce qu’elles sont tous simplement conditionnées à penser qu’elles ne peuvent pas faire aussi bien que leurs homologues masculins.

« Nous sommes programmés certes, mais pour apprendre » (François Jacob, prix Nobel de physiologie et de médecine en 1965).

 

Un professeur contre les idées reçues

effet pygmalion

Quand on comprend l’importance du regard que pose l’enseignant sur un élève d’une part. Et que d’autre part, on connait les idées préconçues de pas mal d’enseignants sur la réussite des filles en sciences. On est en droit de penser que la conjonction de ces deux réalités explique pourquoi aussi peu de filles emprunteront plus tard le chemin d’une filière scientifique.

Madame Burlet, mon professeur de biologie, a été, sans même le savoir, un professeur important dans ma scolarité.

De par son exemple (une professeure, femme de sciences) et par son attitude (elle encourageait autant les filles que les garçons de sa classe), elle a été un catalyseur dans mon apprentissage et dans mon choix d’orientation professionnelle.

Un « catalyseur », quand la profession devient une passion, on ne peut s’empêcher d’utiliser des mots bizarres…

Sans ce professeur, je n’aurais sans doute pas concrétisé mon idée de faire de la biologie un métier. Je n’aurai pas entamé des études supérieures scientifiques, ni fait de la recherche, ni plus tard entamé une activité de vulgarisation scientifique.

Alors, si un jour vous arrivez jusqu’à cette page, merci Madame Burlet, finalement, ce blog, c’est aussi un peu le vôtre !

 

Que pouvons-nous faire, en tant que parent ? Comment utiliser l’effet Pygmalion

parents

Il est certain que faire croire à un professeur que notre enfant est surdoué pour qu’il l’encourage inconsciemment me semble peu crédible voir peu éthique par rapport aux autres élèves !

Par contre, vous pouvez obtenir de meilleurs résultats en mettant en place quelques petites actions à la maison:

  • Être vigilant quand à la relation qu’entretient notre enfant avec son professeur, être donc vigilant à ce qui est dit devant notre enfant et aux messages implicites auxquels il est confronté. Ce qui suppose de parler et surtout faire parler suffisamment notre enfant quand celui-ci rentre de l’école.
  • Relativiser ce que le professeur dit ou fait au regard de ce que nous savons sur l’effet Pygmalion.
  • Apprendre peu à peu à notre enfant à se détacher du regard des autres, qu’il soit positif ou négatif, pour trouver la satisfaction dans ce qu’il accomplit et dans le regard qu’il porte sur lui-même. Des difficultés scolaires peuvent apparaître uniquement parce que votre enfant est trop dépendant des aléas dans le comportement et l’attente du corps enseignant (ou des parents). Les enfants devraient avoir confiance dans leurs capacités plutôt que dans le jugement de leurs professeurs.
  • L’encourager de la bonne façon, çàd non pas en vantant ses qualités, ce qui l’enferme encore dans la conception qu’une autre personne a de lui, dans une fausse croyance. Vous pouvez appuyer sur ses efforts, sur les faits, sur les résultats, ce sur quoi il peut agir. Pour savoir comment transformer des encouragements de valeur en encouragements basés sur les faits, vous pouvez cliquer ici et consulter ce guide d’aide aux devoirs.

Aide aux devoirs, guide de survie pour parents 😨

 

Une seule action ?

Voilà, je vous ai expliqué comment l’effet Pygmalion pouvait influencer un élève jusque dans le choix de sa profession ! Atténuer les effets des regards méprisants, négatifs de certains professeurs et renforcer les effets Pygmalion positifs sont des tâches ardues mais nécessaires.

S’il y a une action que vous pouvez mener dès à présent à la maison, c’est encourager votre enfant de la bonne façon pendant ses devoirs du soir.

Hier, notre aîné a dû effacer et recommencer un exercice. Il était frustré au point d’en avoir les larmes aux yeux … Il a tout de même recommencé et réussi. J’ai failli lui dire « Bravo, tu vois tu es intelligent ! » J’ai ravalé ma langue et lui ai dit « Tu vois, tu n’as pas abandonné, tu as réessayé et tu as trouvé la solution ».

Vos paroles sont autant de graines qui feront grandir la confiance que votre enfant/ votre ado a en lui-même et lui permettront de résister plus facilement aux regards des autres. Qu’il croise des mentors ou des personnes consciemment ou inconsciemment toxiques…

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Des Outils Pour Apprendre

 

Effet Pygmalion – Bibliographie

Chaikin, A. L. (1974). Nonverbal mediators of teacher expectancy effects. Journal of Personality and Social Psychology, 30.1: 144.

Martinek TJ, J. S. (1979). Teacher expectations: effects on dyadic interactions and self-concept in elementary age children. Res Q., Mar;50(1):60-70.

Miyake A1, K.-S. L. (2010). Reducing the gender achievement gap in college science: a classroom study of values affirmation. Science, Nov 26;330(6008):1234-7.

Rosenthal R, J. L. (1966). Teachers’ expectancies: determinants of pupils’ IQ gains. Psychol Rep., 19(1):115-8.

Effet cognitif placebo

Techniques méthodologiques

Jacobson

Psychologie appliquée

 

 

5 thoughts on “Effet Pygmalion – Rencontrer un professeur qui change la donne ☀️”

  1. Golain Laurène says:

    Excellent ! Merci pour cet article ( et pour votre blog aussi). C’est un travail formidable que vous faites, c’est très encourageant pour les parents. Ce soir, je suis plus riche !

  2. Bernard Guévorts says:

    Bonjour !
    Comme formateur, je connaissais déjà l’effet Pygmalion et c’est assez fascinant de savoir à quel point nous sommes conditionné par nos croyances.
    Il est vrai que mon credo en formation est d’amener mes apprenants plus loin qu’ils ne le pensent eux-mêmes. Et cela est très gratifiant quand on voit les progressions !
    Bonne continuation !

  3. jungsoo77130 says:

    C’est clair que les professeurs oublient parfois l’impact qu’ils peuvent avoir dans la vie d’un enfant, d’un ado, d’un jeune adulte qui se lance. Une simple phrase déplacée, une critique virulente et gratuite, un traitement différent des autres élèves, et le système de croyances et de valeurs de l’enfant peut s’en trouver totalement transformé.
    Merci pour ce bel article.

  4. Parents en Equilibre says:

    Un article qui me parle grandement, moi qui ait été enseignante pendant 9 ans. Il est important de donner sa chance à tous les élèves et quel que soit leur comportement ou notre feeling, il faut garder à l’esprit que nous sommes là pour les aider à grandir, à évoluer, au-delà de tous les stéréotypes… de genre, d’origine ethnique, d’orientation sexuelle, de milieu social.

  5. Hey, moi aussi, j’ai eu ma « madame Burlet » en biologie! C’était en première, mais je ne me souviens plus de son nom… Peut-être se reconnaîtra t-elle?
    Je suis abasourdie et écœurée de voir encore une preuve de différence de traitement fille-garçon… Éduquons-nous tous pour sortir de ces schémas! Difficile de casser les effets des paroles que nos enfants entendent à l’école ou partout ailleurs… Aïe, je suis parfois épuisée par la tache…

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