Cours particuliers à domicile de soutien scolaire – pourquoi je n’y crois pas
Il existe en France comme en Belgique un réel engouement pour les cours particuliers à domicile de soutien scolaire. Les boîtes privées de « soutien scolaire », « d’aide aux devoirs », de « remédiation », de « rattrapage scolaire », de « coaching », de « préparation aux examens » ou quel que soit le nom qu’ils se donnent, fleurissent ici et là et ont bien compris que le marché était juteux.
Juteux oui mais seulement pour un temps car le nombre d’acteurs est devenu tellement important dans ce secteur qui génère un chiffre d’affaire en forte hausse mais bientôt à son plateau que la plupart d’entres eux auront disparu dans quelques années.
Pour le moment du moins tout va bien et l’appel du profit est tentant.
Et pour cause, les parents soucieux d’aider au mieux leur enfant sont prêts à débourser des sommes folles.
Une piste qui séduit surtout les parents français
Les politiciens français vont jusqu’à préconiser le recours à des « professeurs » particuliers comme remède à l’échec scolaire alors que dans d’autres pays (Suisse, Luxembourg, Canada) cette piste ne serait même pas évoquée lors du débat.
Outre le fait que cette pratique ne permet pas de remettre en question le fonctionnement du système scolaire français, outre le fait qu’elle creuse encore un peu plus les inégalités socio-économiques tant décriés dans le monde de l’enseignement, que penser de son efficacité ?
Cours particuliers à domicile, quelle efficacité ?
Quand j’étais étudiante, j’ai été engagée comme « coach scolaire » dans l’une de ces boîtes privées. J’étais déjà assistante de cours en fac de médecine mais les étudiants que j’aidais étaient plus âgés, déjà bien partis …bref, ils n’avaient souvent que peu besoin de moi…
Dans ma quête de sens je suppose, j’ai décidé que j’allais me frotter à des élèves qui allaient révéler mes compétences pédagogiques ou mon inaptitude la plus totale et que cela allait m’aider à définir un choix de carrière par la suite.
Continuer une carrière scientifique ou devenir professeur.
Eh bien je n’ai pas été déçue.
Les « organisateurs » qui vous mettent en relation avec les parents et l’enfant vérifient à peine vos connaissances (vous pourriez aussi bien être en première année de biologie, être à la ramasse et tout de même donner ce cours à un enfant) et ils vérifient encore moins vos compétences pédagogiques et votre méthodologie.
Car oui c’est bien là où le bas blesse.
L’enfant a rarement des difficultés dans une seule matière.
Le problème numéro 1 est la méthodologie et le choix de bonnes stratégies d’apprentissage pour lesquels le « coach scolaire » (« l’étudiant qui cherche à arrondir ses fins de mois ») n’est pas formé.
Le problème numéro 2 est la présence d’un ou de plusieurs « troubles de l’apprentissage » pour lesquels le « coach scolaire » n’est certainement pas préparé (même psychologiquement).
Je peux vous assurer que donner un cours de biologie à un enfant qui saute sur son lit pendant une heure est une expérience à vivre une fois dans sa vie. Vous êtes désemparé (tout autant que ses parents), vous vous demandez ce que vous faites là et quelle est encore votre crédibilité dans cette histoire.
Par la suite, je me suis formée et j’avais un environnement de choix pour développer un guide de bonnes méthodes notamment basées sur les neurosciences d’abord et sur la gestion de projet ensuite (au vu de ma formation et de mon expérience cela me semblait une évidence).
Donner des cours particuliers mais pas n’importe comment
Pour que les résultats soient réellement spectaculaires et puisse ramener un élève en orbite, il faut avant tout dialoguer avec l’école, les enseignants de l’enfant, ses parents, ses éducateurs pour que l’information circule et que tous agissent de concert.
Il faut ensuite être suffisamment formés que pour aider l’enfant à atteindre un niveau d’autonomie tel qu’il volera rapidement de ses ailes après votre départ et ce, dans n’importe quel matière et n’importe quel contexte.
Et cela …c’est loin d’être évident !
- Vous devez d’abord comprendre ce qui ne va pas et parfois …c’est de l’ordre du psychologique, de l’environnement familial, scolaire, d’une perte de motivation par manque de perspectives… des choses que l’enfant ou l’adolescent ne vous dira pas d’emblée mais que vous devez tout de même sentir. Quel étudiant de 17, 18, 19 ans a la sensibilité suffisante et la formation suffisante pour faire face à ce genre de questions.
- Ensuite vous devez ré-insuffler à l’enfant, l’adolescent, motivation, estime de lui, en dépit de ses difficultés, voir de son/ses troubles de l’apprentissage.
A l’époque je ne savais pas comment réagir face à un enfant qui souffre de TDA/H. Je demandais inlassablement à ce collégien de descendre de son lit pour venir s’assoir à son bureau. Peine perdue et grosse claque pour moi. Il ne s’agissait plus simplement d’expliquer comment fonctionnait une mitochondrie mais bien de prendre l’enfant avec toutes ses spécificités et de l’emmener vers un mieux que ce soit en termes de réussite scolaire mais surtout en termes de bien-être dans ses apprentissages.
- Vous devez pouvoir tenir compte de ses spécificités dans vos aménagements. Pour comprendre quels sont les aménagements raisonnables que vous pouvez mettre en place dans votre pratique selon le trouble de l’apprentissage auquel vous faites face, vous pouvez consulter cet article.
- Il est ensuite nécessaire de mettre en place avec lui des stratégies d’apprentissage qui fonctionnent, voir de lui expliquer comment fonctionne son cerveau pour lui faire adhérer à ces stratégies d’apprentissage. Vous en connaissez beaucoup vous, des coachs scolaires qui font cela ?
- Enfin il faut mettre en pratique ces stratégies dans les matières qui posent problèmes et résoudre les difficultés ponctuelles dans tel ou tel cours.
On ne va pas se mentir, les enfants qui n’ont que des difficultés ponctuelles dans tel ou tel cours ne sont pas ceux pour qui les parents téléphonent à des boites de soutien scolaire …
Je doute vraiment de l’efficacité de ces cours particuliers à domicile.
Dans ce secteur d’activité, l’appât du gain est plus fort que la recherche de sens selon moi.
Les méthodes de travail sont discutables, le professeur particulier, bien souvent non expérimenté, sélectionné » à la va vite, l’accompagnement scolaire n’est pas réfléchi sur le long terme ni en collaboration avec les autres acteurs de la scolarité de l’enfant.
Les parents paient mais les enfants aussi d’une certaine façon. Les organismes de soutien scolaire, eux, encaissent.
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