Consignes CP. Vous trouverez dans cet article des conseils pour aider votre enfant à comprendre puis appliquer une consigne même s’il souffre d’un problème d’attention.
Quand l’enfant rentre au CP, une des compétences majeures qu’il devra intégrée est la compréhension et l’application des consignes d’un énoncé. Il aura beau connaître sa leçon, avoir assimilé des « savoirs », respecter une consigne sera le « savoir-faire » indispensable pour que ses connaissances puissent s’illustrer.
Or cela ne va pas de soi pour un enfant de cet âge. Comprendre une consigne est un réel apprentissage. Et quant à la nouveauté, s’ajoute un manque d’attention, voir un trouble de l’attention …les ennuis commencent.
Voici quelques conseils pratiques pour aider votre enfant/vos élèves dans l’apprentissage de ce savoir-faire de base.
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Résoudre le problème d’inattention
Nous n’allons pas ici parler de l’inattention, qu’elle soit
- « Naturelle » car liée au stade de développement de l’enfant. Si vous voulez en apprendre plus sur les fonctions exécutives et l’immaturité du cortex préfrontale qui gère ce système d’attention, je vous invite à consulter cet article. Vous pouvez également faire ce test pour évaluer quelles sont les habiletés exécutives de votre enfant.
- « À surveiller » car liée à l’apparition de difficultés persistantes chez l’enfant.
- « À porter à l’attention d’un spécialiste » car relevant d’un réel « trouble » de l’apprentissage qui nécessite un diagnostic et des aménagements.
Le but ici est de relever tout ce qui peut aider le cerveau de l’enfant à traiter rapidement et efficacement une consigne, quelle que soit sa difficulté et quel que soit le niveau d’inattention de l’enfant.
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Accompagner l’enfant dans la compréhension et l’exécution de la consigne CP
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Consigne CP et repères auxquels l’enfant peut se raccrocher
Comprendre une consigne c’est avant tout comprendre les nuances de la langue française …
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L’essentiel et le détail
Repérer les mots clés dans la consigne CP et les distinguer des détails est essentiel. Les enseignants l’ont bien compris et suggèrent souvent aux élèves de souligner ces mots-clés voir d’utiliser des codes couleurs.
Exemple :
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Termes de référence
Utiliser des supports visuels pour illustrer les différents termes rencontrés fréquemment dans un énoncé peut aider l’enfant à ne pas hésiter entre deux actions.
Exemple : « Cocher » une case n’est pas la même chose que « Remplir » (colorier) une case … Ce qui va de soi pour vous, ne l’est peut-être pas pour lui.
Pépite trouvée sur le net à l’adresse (orpheecole.com) : un PDF téléchargeable à afficher en classe ou à la maison pour faire découvrir puis rappeler à l’enfant les nuances dans les requêtes qui lui sont faites au travers d’un énoncé d’exercices par exemple. Séquençage de la consigne CP
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Séquencer les consignes
Le cerveau n’est pas multitâche contrairement à une idée répandue et séduisante.
En tant qu’adulte, nous ne nous rendons pas toujours compte que nous envoyons simultanément de multiples signaux au cerveau de notre enfant parmi lesquels il devra choisir au risque d’en oublier certains au passage.
Difficile pour lui, surtout à l’âge qu’il a quand il reçoit une consigne CP, de planifier ses actions et de prioritiser les demandes qu’on lui adresse.
- Donner des consignes brèves, séquencées voir hiérarchisées aide l’enfant à se familiariser avec cet exercice.
- L’adulte peut même penser à reprendre les consignes au tableau/sur une feuille de papier pour les schématiser étape par étape.
- Il peut même encore aller une étape plus loin en utilisant les dessins présentés plus haut si l’enfant est dyslexique par exemple. Pour ces enfants l’association du texte à une image mentale est plus que bénéfique.
- Pour les enfants qui ont le plus de difficultés à suivre les consignes jusqu’au bout, il est parfois utile de commencer par attendre la fin de l’application d’une consigne avant de passer à la suivante.
Cela fait beaucoup me direz-vous et les enseignants n’ont souvent pas tout ce temps ? Encore une fois, comprendre une consigne au CP est un apprentissage complexe mais essentiel pour les autres apprentissages en cours et à venir … Prendre du temps pour poser les fondations me semble indispensable. Cela ne veut pas dire qu’il faille passer par toutes ces étapes, ni qu’il faille le faire sur le long terme. Tous les enfants n’évolueront d’ailleurs ni de la même façon ni à la même vitesse que ce soit pour ce savoir-faire comme pour les autres. A chaque enfant (et à chaque accompagnant) de trouver les solutions qui lui conviennent.
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Eviter les consignes négatives
« Entoure le mot qui ne se termine pas par le son … »
Vous avez dû y réfléchir par deux fois, n’est-ce pas ? Il en va de même pour un enfant.
Il est également à noter que les petits mots relais tels que « ne …pas » sont difficilement compréhensibles pour un enfant dyslexique TDA par exemple qui ne peut pas associer à ces mots une image mentale visuelle. Il visualise facilement une girafe mais comment visualiser le mot « ne » ou « car », « entre » … qui sont ce que Ron Davis appelle des mots de « désorientation ».
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Les signaux ostensibles de l’attention
Si la consigne est lue à voix haute, l’enseignant ou le parent peut faire appel à ce que les neuroscientifiques appellent les « signaux ostensibles de l’attention ». Le parent/le professeur peut en effet, dès lors que la consigne devient orale, capter l’attention de l’enfant/de son élève en le regardant et en changeant de prosodie sur les éléments clés de la consigne. Il peut aussi convenir d’un signal gestuel pour renforcer encore le système attentionnel dit « d’orientation » qui indique au cerveau de l’enfant « à quoi faire attention ». Ce système d’attention renseigne notamment le cerveau sur le fait qu’une information est généralisable et pas spécifique. Une information généralisable, càd qui pourra être « réutilisée » dans d’autres contextes, est toujours perçue comme étant plus importante et le cerveau focalise son attention pour retenir cette information en particulier. Si vous voulez plus de conseils pratiques sur la meilleure façon de capter l’attention d’un enfant et l’aider à se concentrer, vous pouvez consulter cet article récapitulatif de plusieurs centaines d’articles de recherche scientifique.
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La répétition …ou pas
Si c’est possible, plus que la répétition de la consigne par l’adulte, parent ou enseignant, la répétition par l’enfant est souvent bénéfique. Cela est d’autant vrai pour des enfants souffrant d’un TDA/H et/ou d’un trouble dys-
En demandant à l’enfant de verbaliser avec ses propres mots, l’adulte peut vérifier le degré de compréhension de la consigne.
En revanche pour certains enfants, répéter est une source de distraction en soi. S’il ne relit pas l’énoncé et parait absorbé par autre chose, il est peut-être simplement en train de se concentrer sur la solution. Être disponible pour l’enfant est parfois préférable au fait de l’interrompre pour s’assurer que la consigne est comprise.
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L’hameçonnage pédagogique
Une autre façon de booster l’attention sur une information et donc aussi sur une consigne est de faire appel aux émotions, au rire notamment. Ajouter une pointe d’humour aux consignes d’un énoncé est une façon de s’assurer que l’enfant est concentré sur ce qui lui est demandé. Ce n’est évidemment pas toujours possible mais si cela l’est, pourquoi s’en priver ?
Il a été démontré que les émotions jouaient un grand rôle dans la capacité du cerveau à se concentrer et à mémoriser.
Un hameçon pédagogique est, dans une séquence pédagogique, une introduction qui va faire appel aux émotions (mais pas seulement, plus d’informations sur les différents types d’hameçons pédagogiques dans cet article) pour s’assurer de capter l’attention des élèves sur une leçon par exemple.
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Ne pas sortir du cadre de la question
Anecdote révélatrice : Je fais une dictée de mot (lien vers article) à mon fils de 7 ans,
- Non pas en reprenant les mots seuls et dans l’ordre sur sa feuille
- Mais bien en les intégrant à des phrases (je vous explique ici pourquoi – lien article), en ne respectant pas l’ordre et en omettant certains mots …
Cela a le don de le plonger dans une grande frustration. La même que celle que j’éprouvais pendant mon oral de littérature quand après avoir tant réviser, la prof emballait l’examen en deux questions rapides pour passer à l’élève suivant. Elle m’avait dit, alors que j’insistais pour étaler l’étendue de mes connaissances ^^, que je devais apprendre à ne pas sortir du cadre de ce qui m’était demandé.
Plus tard, quand moi-même j’enseignais à des étudiants en deuxième année de médecine, je devais parfois retirer de précieux points à ceux qui, soucieux de montrer qu’ils avaient révisé, sortaient du cadre de la question, au risque même de faire des erreurs. Pour certaines questions, nous étions même obligés de tracer un cadre réel or duquel la consigne était de ne pas dépasser …avis aux écritures taille de police 14 ^^.
Répondre à la question et rien qu’à la question, ne pas faire un hors-sujet fait également partie selon moi des apprentissages de la vie.
Quand vous êtes à un entretien d’embauche, il n’est pas rare que votre potentiel futur employeur, après vous avoir posé une question (et après que vous y avez répondu), laisse un silence gênant s’installer dans la conversation. Beaucoup de candidats vont alors vouloir « combler » ce vide qui les rend mal à l’aise. Grosse erreur. C’est à cette occasion qu’ils vont donner des informations qui sortent du cadre de la question qui leur a été posée. C’est également à cette occasion qu’ils vont « lâcher » des informations qu’ils n’auraient pas laisser filtrer jusque-là. L’employeur se régale.
Il est donc essentiel d’apprendre tôt à l’enfant que la réponse se veut préciser et pertinente par rapport à la question posée.
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Expliquer à l’enfant qu’il s’agit d’un apprentissage avant tout.
Montrer à l’enfant qu’en s’exerçant il arrive de mieux en mieux à appliquer une consigne lui indique que, tout comme n’importe quel savoir- savoir-faire voir savoir-être, le cerveau s’améliore avec de l’entrainement.
On n’insistera jamais assez sur l’importance de faire adhérer l’enfant à une vision dynamique et non statique de l’intelligence pour développer sa confiance en lui et en ses capacités (si vous voulez en savoir plus, c’est par ici).
De la même façon que son cerveau « s’entraîne », son cerveau fait également des « erreurs ». Il est utile de rappeler que l’erreur est LA source d’apprentissage par excellence. Si l’enfant n’applique pas correctement une consigne, cela peut être par manque d’attention, par manque de connaissance du vocabulaire, du fait de l’existence d’un trouble mais dans tous les cas il fera mieux la prochaine fois.
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Contextualiser
- Quel est le but de l’exercice ? Tous les enfants ne puisent pas à la même source leur motivation d’apprendre… Certains aiment apprendre pour le seul plaisir d’apprendre. D’autres aiment relever des défis, d’autres encore ont besoin de comprendre ce qu’ils pourront « faire » de ces nouvelles connaissances. Il est utile de comprendre comment réagit votre enfant, ce qui le bloque, ce qui l’enthousiasme, quel type d’apprenant il est … Vous pouvez faire un petit test fun (on ne va pas trop se prendre la tête non plus) mais tout de même instructif et qui, du moins je l’espère, vous incitera à vous/lui poser des questions sur sa personnalité quand il endosse la casquette de l’élève.
- Quelles sont (outre le respect des consignes) les résultats attendus ? Sans vouloir faire l’exercice à la place de l’élève, il est parfois utile, surtout au début de cet apprentissage, de lui indiquer à quoi devrait ressembler le résultat final. Un schéma avec une légende explicative ? Un texte ? Un calcul en trois étapes ? Vous pouvez le diriger sans lui donner la réponse finale.
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Consigne CP – En pratique
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Voilà, j’espère que cet article que j’ai voulu le plus exhaustif qui soit vous inspirera et vous aidera à accompagner au mieux votre enfant/votre élève/les deux qui sait J
Avec tout mon soutien
Sarah